Monastères

Patrick Gilliéron Lopreno

Labor et Fides
2014
39.–

Sur l’image, du grain. Celui des lumières sombres qui nimbent les cloîtres et les cellules de nos monastères suisses romands, d’une clarté qui transperce les murs épais de nos abbayes par un interstice et ébauche des rosaces sur une façade. Toutes sont capturées par l’objectif de Patrick Gilliéron Lopreno.

Le photographe genevois, dans son ouvrage Monastères, paru cette semaine aux Editions Labor et Fides, travaille la texture: grain de l’image, photographiée en argentique avec de la  pellicule noir et blanc, nuances de la pierre poreuse des prieurés centenaires, pigments des peaux imprimées sur le film. Dans cette épaisseur, Gilliéron Lopreno exprime la lenteur et le  silence qui entourent ces vies contemplatives avec l’objectivité du reportage: «Je défends une démarche purement documentaire et une tradition photographique, explique le photographe. En noir et blanc, en argentique, dans un format 24-36.» En saluant la technique d’un Raymond Depardon, Michael Ackerman ou Marcel Imsand, Gilliéron Lopreno fait de Monastères un manifeste.

Le livre, qui rassemble 78 clichés d’abbayes fribourgeoises et valaisannes, succède à la réflexion du photographe autour de l’enfermement prisonnier (exposition Puzzle carcéral, 2011). Avec cet ouvrage, Gilliéron passe de l’autre côté de la volonté: l’enfermement qu’il met en images ici est délibéré, réfléchi, désiré. En observant des moines cisterciens qui traversent, en coule blanche, le cloître gothique de l’abbaye d’Hauterive, une fidèle agenouillée en prière pendant un office à l’abbaye de Saint-Maurice ou une capucine sonnant les cloches au monastère de Montorge, on comprend un peu de la fascination esthétique d’une autre artiste pour la vie monacale. Celle de Gabrielle Chanel, élevée à l’abbaye d’Aubazine (France), qui n’a cessé, toute sa carrière, de travailler les noirs et les blancs: «J’ai dit que le noir tenait tout. Le blanc aussi. Ils sont d’une beauté absolue.»

Emilie Cailleux